160 km sont au programme de cette journée qui va nous mener de surprise en surprise.
Max et les ferrailleurs

Le road book nous conduit d’abord dans un village près de Modène, dans une sorte de château forteresse médiévale, avec des tours et de grandes cours carrées. Que fait-on là ? Rien n’indique ce que l’on va découvrir.
Nous stationnons dans une ferme médiévale fortifiée :
Le propriétaire des lieux, Mario Righini, vient à nous. Il était ferrailleur de métier et a commencé à récupérer des voitures ça et là depuis 60 ans. Il nous ouvre un premier portail et là, stupéfaction, une incroyable collection de voitures anciennes s’offre à nos regards sous les voutes d’une immense cave. La plupart des autos sont dans leur jus mais en bon état, très peu sont restaurées, car Mario veut leur garder leur patine d’origine et ne pas effacer les traces de leur histoire.
Il y a là d’incroyables pièces comme cette Velobenz, première voiture Mercedes construite en série. C’est un modèle original, même au musée Mercedes de Stuttgart ils n’ont qu’une copie ! Il y a une Alfa Romeo spéciale utilisée par Benito Mussolini, une Alfa Romeo 8C ex Tazio Nuvolari, des Alfa, Rolls, OM, BMW, Fiat …

Il y a des noms qui interpellent, comme Isotta Fraschini, ou Alfa Romeo Paris, car à une certaine époque, pour éviter les droits de douane, les Alfa étaient expédiées en pièces de rechange en France et assemblées sur place. Il y a des marques disparues, comme Ansaldo, quelques motos, scooters et tracteurs, et même un bateau de course en bois et un avion. Nous parcourons les modèles avec Mario qui a une anecdote sur chacun.
Mario nous conduit ensuite dans une deuxième remise plus petite, où sont rassemblées, aussi dans leur jus, des autos plus récentes. Une Ferrari 500 Mondial jaune attire aussitôt mon attention mais il y a aussi d’autres modèles prestigieux ou étonnants comme une Fiat 124 cab absolument neuve.
Enfin Mario nous conduit à une troisième remise où il n’y a que 4 voitures mais pas des moindres : une Auto Avio Costruzioni 815, première conception Ferrari en 1940, mais qui ne pouvait s’appeler ainsi car Enzo Ferrari avait quitté Alfa Romeo avec un contrat de 3 ans de ne pas créer de voiture sous son nom. Elle a été pilotée aux Mille Miglia par Alberto Ascari et Mario la sort pour les Mille Miglia historiques.
Il y a une Formule 1 Alfa Roméo de la Scuderia Ferrari, une intéressante Fiat 8V Berlinetta Speciale by Pininfarina ayant appartenu à un avocat de la famille Agnelli (en savoir +) et une Lancia Stratos neuve, pratiquement 0 km.
Collezione Righini, Via N. Bixio 12, Panzano. Uniquement sur rendez-vous.
Pagani !
Nous nous rendons ensuite à San Cesario Sul Panaro, toujours dans la banlieue de Modène, où Pagani ouvre les portes de son parking privé à nos autos.
Pagani S.P.A Via dell’Industria 26, San Cesario Sul Panaro

Un peu d’histoire
Horacio Pagani, né en Argentine en 1955, construit enfant ses premières voitures en bois et en résine. Après ses études, il construit sa première voiture, une Formule 2 à moteur Renault, en Argentine.
Il rencontre Fangio qui lui conseille de s’installer à Modène en Italie. Il rentre chez Lamborghini et y devient spécialiste des composites mais Lamborghini ne veut pas lui payer un autoclave. Alors il crée en 1988 Pagani Composite Research, puis Pagani Automobili en 1992. Il présente sa première voiture, la Zonda, au Salon de Genève 1999. C’est le début encore très récent d’une formidable aventure industrielle en collaboration avec Mercedes AMG qui lui fournit ses moteurs V12.
C’est la preuve vivante qu’il est toujours possible de nos jours de créer et d’imposer une nouvelle marque de voitures si vous en avez les compétences, les idées novatrices et les capacités à vous entourer des bonnes personnes dans tous les domaines.
Les modèles se succèdent avec la Huayra, l’Imola, l’Utopia, toutes propulsées par des V12 AMG et construites avec un soin infini, comme des pièces d’horlogerie, et ses fameuses 4 sorties d’échappement groupées sur la face arrière.
En quelques années seulement, Pagani s’est taillé une solide réputation de voitures d’exception à très hautes performances, à hauteur de Bugatti ou Koenigsegg, prouvée aussi par un record du tour à la Nordschleife.
Le musée et l’usine
La visite commence par le musée où sont exposées toutes les créations d’Horacio.
Puis nous sommes invités à déposer smartphones et appareils photos dans des coffres. Nous pénétrons dans l’usine où règne beaucoup d’activité autour des voitures en cours d’assemblage, posées sur des chariots à roulettes pour être déplacées de poste en poste. Tout est immaculé et parfaitement organisé et rationalisé, même autour des autoclaves produisant les pièces carbone, pour une production certes en petite série mais industrielle. Les magasins de pièces détachées, triangles de suspension, freins, etc., sont approvisionnés et à portée de main.
À la sortie, chacun s’égaie dans le hall d’entrée où l’on peut acheter des collections de textiles à la hauteur des exigences de Pagani et nous terminons par une photo de groupe devant le roadster.

Déjeuner
Trattoria Nosadella, Via Maestra di Bagazzano 35, Bagazzano
Lamborghini
Après déjeuner, nous allons à Sant’Agata Bolognese, non pas pour s’approvisionner en sauce, mais pour visiter l’usine Lamborghini et aussi son Centro Stile, exclusivité Sport Auto !
Créée en 1948 avec des pièces de surplus militaires, la Trattori Lamborghini a d’abord fabriqué des tracteurs, activité revendue en 1971 au groupe SAME Deutz-Fahr. Entre temps, Ferruccio Lamborghini a créé en 1963 la firme Automobili Lamborghini pour concurrencer Ferrari et Maserati avec des voitures plus fiables. Il possédait en effet plusieurs Ferrari mais les trouvait peu confortables et peu fiables et était lassé d’en changer régulièrement les embrayages. Il s’est même fâché avec Enzo Ferrai qui lui disait que s’il savait conduire des tracteurs, il ne savait pas conduire des Ferrari ! Depuis 1998, après un parcours tortueux, la marque est propriété de Audi.
La visite commence dans le hall d’accueil où sont disposés de nombreux modèles de la marque, depuis qu’elle fait des autos, après les tracteurs ! On y retrouve bien sûr le premier modèle, la 350 GT à moteur V12 déjà (j’en connais une qui vient régulièrement à Versailles place de la cathédrale chaque premier dimanche du mois), une Miura, une Espada 4 places, l’affreux LM002 (accident de parcours ?), une Countach, une Jarama, puis des plus récentes, Sian (2019), Centenario (2016), Veneno (2014), la Countach 2021, Elemento (2010), Reventon (2007) et le SUV Urus un peu tarabiscoté. Je citerais encore Murcielago, Gallardo, Urraco, Diablo, Aventador, Huracan, mais sans être sûr qu’elles étaient toutes présentes.
Puis nous sommes invités à de nouveau déposer smartphones et appareils photos dans des coffres avant de pénétrer dans l’usine pour une visite guidée. J’y retrouve ici l’ambiance et la propreté des usines d’assemblage des moteurs CFM 56 d’Airbus A320 et de Boeing 737. Les voitures sont posées sur des chariots filo-guidés et se déplacent seules de poste en poste toutes les 30 minutes environ, dans une ligne en U. De grandes pendules numériques marquent le tempo, mais s’arrêtent le temps des pauses. Quand une voiture est plus longue à monter, il y a une case vide devant. Pareil pour les moteurs sur leur ligne.
Les pendules marquent 30 minutes et nous sommes au bout de la première ligne. Chaque voiture avance automatiquement d’une case sur son chariot. Celle du bout de ligne entame un petit parcours (le bas du U) et vient se positionner seule au début de la deuxième ligne que nous remontons.
Nous visitons ensuite l’atelier de sellerie où sont sélectionnés les cuirs, puis découpés machine. Ils sont ensuite cousus sur des machines à coudre individuelles puis ajustés à la main sur les pièces à recouvrir. Il y a bien une vingtaine de personnes affectées à la sellerie, des femmes en majorité.
Après la visite de l’usine, nous sommes invités au Centro Stile pour une conférence de Mitja Borkert, directeur du design depuis 2016, après 17 ans chez Porsche. Il nous explique notamment que les Lamborghini doivent susciter l’émotion chez les enfants. Il nous montre comment une simple ligne traverse le profil de la voiture. Quelques autos sont présentes ainsi qu’une maquette de yacht Lamborghini dont je vois souvent un exemplaire dans le port de Monaco.

Museo Ferruccio Lamborghini
Nous arrivons tardivement à ce musée resté ouvert rien que pour nous, encore un effet Jérôme !
Ferruccio Lamborghini est décédé en 1993 à 76 ans, complètement détaché de la marque qu’il avait créée. Un musée lui est consacré à Casette di Funo.
Museo Ferruccio Lamborghini, Strada Provinciale 4 Galliera Sud, 319, Casette di Funo
Ce musée a été créé par le fils de Ferruccio dans une ancienne usine de la marque. On y trouve aussi bien des tracteurs que des voitures de la marque, des voitures garées là par la famille comme cette curieuse Mercedes berline profilée, et aussi des voitures d’époque d’autres marques. Il y a même un prototype d’hélicoptère qui a volé en 1965 et un bateau de course offshore, le Fast 45 Diablo de 1992. Il fait 13,50 m de long et est propulsé par 2 moteurs V12 Lamborghini de 8,2 litres et 775 chevaux chacun.
Parmi les autos présentées, je remarque cette Fiat 508 Balilla, comme celle du « fou » que Zampano retournait dans un fossé à la forces des bras dans ce chef-d’œuvre Fellinien, La Strada.
F40 only ou F40nly
Nous nous rendons à Formigine, pas loin. C’est la surprise de la soirée ! La nuit est tombée et Rémi, rencontré la veille au Ristorante Montana, nous entraine vers un bâtiment anonyme mal éclairé devant un rideau de fer. Que peut-il bien y avoir d’intéressant là dedans ? Nous sommes tous groupés devant et le rideau se lève comme au théâtre sur un entrepôt blanc immaculé et lumineux. Dedans, des Ferrari F40 !

Remi nous fait la visite. Il a racheté il y a quelques années un stock de pièces de rechange de Ferrari F40 et s’est spécialisé dans la révision, la restauration et même la reconstruction de ce modèle mythique.
En effet, cette voiture est conçue comme une voiture de course sans aucune assistance électronique et la violence de ses deux turbo compresseurs à provoqué de nombreux et coûteux accidents. aux mains de conducteurs inexpérimentés. Dernièrement encore, c’est celle de Lando Norris qui a tapé, conduite par quelqu’un d’autre. Pire, elle demande un entretien de voiture de course, notamment au niveau de toutes les durites d’alimentation et de freinage qui doivent être changés régulièrement, et de leurs raccords qui ne peuvent être desserrés et resserrés indéfiniment et finissent par se fissurer. Tout ça provoque des fuites. Sur les parties chaudes du moteur et du turbo c’est l’incendie assuré et les parties en magnésium fondent très vite. Une F40 brûle complètement en 3 minutes nous dit Rémi. Voir sur YouTube celle qui a brulé à Monaco.
Alors Rémi est capable de reconstruire une F40 complètement si vous lui amenez la carte grise et l’épave, même calcinée ou détruite.
Il dispose d’un marbre pour redresser le chassis tubulaire sur lequel il change les tubes endommagés. Pour les pièces devenues indisponibles, il les fait refabriquer grâce au réseau de sous-traitants de la Motor Valley et aux compétences de nombreux ex Ferrari de la région.
Nous visitons l’atelier de remontage, l’atelier de carrosserie avec le marbre, puis l’atelier mécanique moteurs et boites de vitesses. Rémi emploie une dizaine de personnes et a tout ce qu’il faut pour répondre à la demande de clients du monde entier.
Dans un coin de l’atelier dort cette Ferrari 250 entièrement restaurée et qui attend acquéreur …
Nous sommes soufflés !
La Ferrari F40
La F40 a été produite de 1987 à 1992 à 1311 exemplaires. Elle est propulsée par un V8 à 90° de 2,9 litres 32 soupapes et biturbo. Elle sort 478 chevaux à 7000 t/mn, ce qui parait raisonnable, mais sans aucune assistance et elle garde aujourd’hui un des meilleurs rapports poids-puissance. Boite 5, 1088 kg à vide, 325 km/h. Conçue pour fêter les 40 ans de la marque, elle fut à sa sortie la voiture la plus rapide la plus puissante et la plus chère de la production automobile.
La soirée se termine juste à côté à la bonne franquette avec charcuteries, pizzas, spritz et autres breuvages et Rémi ne ménage pas sa peine pour nous satisfaire en aidant le restaurateur. Un grand merci pour cette soirée extraordinaire et inoubliable !
Troisième et dernière nuit à l’hôtel Arthur, on commence à avoir des étoiles plein la tête !
–> Épisode 4