Le musée de Speyer est situé à une trentaine de km de Sinsheim et aborde quasiment les mêmes thèmes, avec en plus le thème spatial et la navette russe Bourane. Ici les vedettes sont le Boeing 747 installé sur des pylones et qui domine le site, l’Antonov 22, le sous-marin U9 et Bourane.
Le Boeing 747 ex Lufthansa
Il s’agit d’un 747-200 dont le premier vol remonte au 3 octobre 1978. On y accède par une porte arrière et on remonte vers l’avant jusqu’au bout de la cabine passager dans le nez de l’avion. Puis on monte pour accéder au cockpit et à la cabine supérieure. Puis on redescend, on va vers l’arrière qui a été déshabillé afin de voir la structure nue jusqu’au fond de l’avion. Des échelles verticales permettent de descendre dans la soute. À l’extérieur, des passerelles et une terrasse permettent d’avoir des vues exceptionnelles sur la voilure, le fuselage, les trains d’atterrissage et sur les avions au sol.
D’après les bases de données, l’immatriculation D-ABYM de cet avion semble reprise par un avion de même type toujours en exploitation.
L’Antonov AN-22
C’est le plus grand avion à turbo-propulseurs au monde, toujours en service dans les force russes. 4 turbo-propulseurs de 15000 chevaux chacun entrainent des paires d’hélices contra-rotatives et l’emmènent à 560 km/h en croisière. Son plafond est à 7500 mètres. Le premier exemplaire a volé pour la première fois en 1965 et il a été fabriqué jusqu’en 1976 à 68 exemplaires.
Il fait 64,40 m d’envergure, 57,92 m de long et pèse 114 tonnes à vide, 250 tonnes maxi au décollage. Il peut emporter 80 tonnes de fret dans une soute immense, grande comme une salle de bal. Il peut emmener par exemple 2 chars T54, des missiles de croisière, un vaisseau spatial, ou jusqu’à 150 parachutistes ou 295 soldats dans une soute non pressurisée de 4 mètres de large et 4,4 mètres de haut pour une longueur de 33,4 mètres, sur des distances de 6 à 8000 km.
Le sous-marin U9
C’est aussi une des vedettes de Speyer. Celui-ci a été construit à Kiel et mis en service en 1967 pour la marine allemande. 466 tonnes, 46 mètres de long, 5 de large, il est conçu pour naviguer à 100 mètres sous l’eau. Il a passé au total 23 mois sous l’eau et parcouru l’équivalent de 8 tours du monde.
On pénètre à l’intérieur par une trappe sur le pont avant en descendant une échelle étroite pour arriver dans le dortoir de l’équipage (21 membres pouvaient dormir là sur des banquettes repliables, mais pas tous en même temps !), devant les 8 tubes lance-torpilles.
On accède ensuite à la salle de commande et de pilotage avec le puits du périscope. Ne me demandez pas comment ça marche, c’est truffé de vannes partout ! On parcourt ensuite la salle des radars, des recoins obscurs, l’unique salle de toilettes, et enfin la salle des machines avec 2 moteurs diesel, avant de ressortir sur le pont arrière en escaladant une échelle étroite. Ouf !
La navette russe Bourane et autour
Un hall entier lui est consacré, avec un paquet de trucs autour. La seule navette russe qui a fait un vol orbital a été détruite sous l’écroulement de son hangar. Celle-ci est l’une des 5 construites à des états d’avancement divers, le programme ayant été arrêté. Elle a été construite en 1984 et a servi à tester le vol plané et l’atterrissage. Elle fait 36 mètres de long et pèse 80 tonnes. On peut monter dessus par une passerelle et s’imaginer cosmonaute évoluant au-dessus de l’immense soute ouverte, et apercevoir le poste de pilotage. Elle était transportable sur le dos de l’Antonov AN-225, immense avion cargo à 6 réacteurs hélas détruit durant la guerre en Ukraine.
En dessous, ils ont curieusement parqué des voitures, dont cette magnifique Lamborghini Miura ou cette Mercedes type 500K dite Stromlinien Roadster de 1935. À proximité de la navette, on trouve une très belle reproduction du module lunaire d’Apollo 11 et de sa voiture d’exploration, le Lunar Roving Vehicle, une pierre de lune vieille de 3,4 milliards d’années, une capsule Soyouz et son cosmonaute, des reproductions de stations spatiales, des maquettes, des costumes de cosmonautes et quantité de documents retraçant la conquête spatiale, une mine pour les écoles et tous ceux qui s’y intéressent. Les textes sont en allemand et en anglais.
Des passerelles tout autour de Bourane permettent d’avoir des angles de vue intéressants et d’accéder à des expos de motos diverses. J’y retrouve la Honda 350 Four de mon permis moto :-), une Benelli 6 cylindres qui me faisait rêver et surtout une impressionnante collection de motos Münch Mammuth, ces grosses motos allemandes pachydermiques à moteur de voiture 4 cylindres 1200 NSU des années 70, et que Depardieu enfourchait dans le film Mammuth pour retrouver ses points de retraite …
L’hélicoptère russe Mil Mi-8
Encore un engin spectaculaire et rare par chez nous, cet hélicoptère lourd a volé pour la première fois en 1961. Plus de 10000 ont été construits et il est toujours en service, machine à tout faire à usage civil ou militaire. Il est propulsé par 2 turbomoteurs de 1950 chevaux chacun et peut voler sur un seul moteur. Il pèse 7 tonnes à vide et peut en emporter 4 pour une masse maxi au décollage de 12 tonnes. Il peut franchir 600 km à 230 km/h de croisière. Il peut être armé d’une mitrailleuse et de lance-roquettes. Il est équipé d’une rampe de chargement à l’arrière et peut embarquer un petit véhicule blindé.
De tout, en vrac
Comme à Sinsheim, on trouve une incroyable collection de voitures et motos de course, de sport et de collection, des tracteurs (l’inévitable Lanz Bulldog à boule chaude …), des locomotives à vapeur ou électriques (la fameuse Crocodile suisse), des avions, des hélicoptères … Il y a aussi une très belle collection de camions de pompiers avec de très beaux specimen américains.
Comme à Sinsheim certains engins ont retenu mon attention et j’ai une pensée par exemple pour les types qui avaient l’inconscience ou le courage de s’installer dans ce truc ci-dessous. Selon l’explication donnée, il symbolise l’imagination et l’improvisation des allemands pour trouver des solutions pendant la guerre. L’engin est mis à l’eau la nuit et doit aller lâcher sa torpille sur un bateau ennemi. Les torpilles ne sont pas guidées à l’époque alors il s’agit de s’approcher à 200 ou 300 mètres avec seulement l’espèce de périscope à hublots qui dépasse de l’eau, lâcher sa torpille et faire demi-tour. Très peu sont revenus de mission, soit détectés et tirés, soit noyés si l’eau s’infiltrait ou s’ils tombaient en panne de carburant… En plus, délesté de sa torpille ça ne devait pas être très stable.
Plus rigolo cette espèce de moto à chenilles. Manifestement la roue avant ne peut prétendre guider un tel engin et je pense que le guidon doit commander les freins de chenilles pour tourner.
Mon père avait appris à piloter sur ce modèle d’avion, le Stampe SV-4, dans les années 50. C’était un avion école et de voltige capable de voler longtemps sur le dos, contrairement au Boeing Stearman, autre avion école d’acrobatie que j’ai pu essayer en passager. Avec ces avions, les pilotes militaires apprenaient à se sortir de n’importe quelle situation ou position. Propulsé par un 4 cylindres en ligne Renault de 140 chevaux pour une masse maximale de 750 kg. Capable de 230 km/h, il décrochait à 65 km/h seulement. Un peu plus de 1000 construits, il en reste encore en état de vol dans des aéro-clubs :
Coup de cœur pour ce Nord Atlas de fabrication française, car j’ai volé là-dedans en version parachutiste à l’âge de 12 ans quand le pensionnat militaire m’envoyait en colo en Corse près d’Ajaccio au départ de Lyon Satolas. Je me souviens que la carlingue vibrait tellement que si tu mettais le nez à un hublot tu recevais un coup de poing sur la figure ! Ils nous avaient ouvert la porte arrière en vol et on tendait le cou pour voir …
Eh non, ce n’est pas une Volkswagen mais bien une Mercedes, une 170H de 1938, équipée d’un moteur 4 cylindres à soupapes latérales de 1700 cc monté à l’arrière, comme la coccinelle !
Une des vedettes du musée est ce Messerschmitt BF109, un chasseur de la Lutwaffe durant la guerre 39-45, rival des Spitfire. L’avion pesait 3095 kg à vide et était propulsé par un V12 inversé Daimler-Benz de 1475 chevaux. Près de 35000 furent construits et il en reste très peu en état de vol, très appréciés dans les meetings aériens :
En repartant de Speyer, je fais une étape à Baden-Baden où j’ai habité et où j’ai été à l’école maternelle française, retrouver la piste en herbe où mon père pilote militaire m’avait donné mon baptême de l’air, sur un Piper L4. Elle existe toujours, c’est la Flugplatz de Baden-Oos. Je discute avec une dame qui vit au bord de la piste. Elle me dit que la base militaire a été démantelée dans les années 80, et le hangar de l’époque détruit. C’est aujourd’hui un centre civil de vol à voile et elle m’ouvre le hangar où stationnent les planeurs et les avions remorqueurs.
Je crois que ce vol est mon plus ancien souvenir de petit garçon. Je le raconte dans un livre familial édité à compte d’auteur, René, le petit berger qui rêvait d’avions, et vous en livre l’extrait.
J’ai 4 ou 5 ans. Mon père m’emmène au terrain d’aviation. Un hangar, une manche à air et de l’herbe dans un endroit dégagé, quelque part dans une plaine d’Allemagne de l’Ouest après la guerre. Le mécanicien me sangle au fond du siège. En face de moi se dresse un mur de cadrans et d’instruments. Devant mes jambes remue une longue tige d’avant en arrière et de gauche à droite. Loin devant, des pédales bougent aussi. Je comprends que c’est mon père assis derrière qui actionne tout ça. Le mécanicien ferme la verrière et disparaît vers l’avant. Le moteur tousse, l’hélice se met à tourner très vite, on ne la voit plus. Tout vibre et devant moi, les petites aiguilles blanches prennent vie dans les cadrans. L’avion roule chaotiquement. D’un coup les vibrations s’intensifient, le bruit du moteur envahit complètement l’habitacle et supprime toute autre perception. On est secoués. Puis les cahots cessent brusquement. On vole mais je ne le sais pas encore. Je ne vois rien d’autre que des cadrans, les petites aiguilles qui bougent et le ciel bleu là-haut. Soudain la terre m’apparaît sur les côtés, quand mon père incline l’avion dans de longs virages. Des figures géométriques de couleur à perte de vue, des puces minuscules qui suivent de longues lignes. Au loin je découvre des amas de coton en suspension dans l’air à la même hauteur que nous. Je vole vraiment !
Je ne me souviens pas de l’atterrissage. Je suis resté dans les nuages et on me le reprochera souvent.