Le Mans Classic 2023 – Tous les deux ans, l’Automobile Club de l’Ouest organise sur plusieurs jours une rétrospective des courses des 24 heures passées. C’est l’occasion de revoir en statique ou en action, lors de vraies courses, des voitures historiques qui ont fait l’histoire des 24 heures du Mans, depuis la Chenard et Walcker de 1923 jusqu’à la Ferrari 499P vainqueur de l’édition 2023 quelques semaines plus tôt.
Comme au GP de Monaco historique, les voitures sont maintenant la propriété de riches collectionneurs, de musées, ou bien des usines qui les ont conservées et les confient pour certaines à des pilotes professionnels encore en activité.
Mais la majorité des pilotes sont des amateurs, fortunés, car il faut une grosse intendance pour faire rouler les plus récentes comme les anciennes Groupe C. Cela donne des plateaux un peu disparates, où des GT bien conduites arrivent à se qualifier et à devancer des protos dont les pilotes n’ont pas le niveau.
Cette année ils fêtaient le centenaire de l’épreuve et j’y ai revu des autos qui ont bercé mon adolescence, comme les Ford GT40, MkII et MkIV, Lola T70, Chevron 2 litres, Mirage, Ferrari 333SP, 250GT, Daytona, des Porsche 904, 906, 910, 908, 917 (un tête à queue de 917 à la chicane Dunlop ça vaut le détour 🙂), etc.
Nous y sommes allés avec un groupe d’amis et étions logés chez l’habitant à Mulsanne (merci Marie), à proximité immédiate du circuit. Le bruit des voitures nous a d’ailleurs bercés deux nuits de suite, notamment toute la nuit de samedi-dimanche où les manches se sont succédé sans discontinuer. Bravo aux habitants du coin qui tolèrent ça plusieurs fois par an, contrairement aux riverains de Reims Gueux qui ne supportent même plus qu’on stationne sur le circuit en voiture de série le temps d’une photo ! Honte à son maire Jean-Pierre Ronseaux, Pétition ici.
Le Mans Classic c’est donc la grande fête de l’automobile et des dizaines de milliers d’amateurs convergent vers le circuit au volant de voitures de collection et de prestige et constituent eux-mêmes un vrai spectacle.
Nous étions accueillis sur le vaste stand Facel Vega qui permettait de se garer à des autos d’autres marques (les propriétaires de Facel ont souvent d’autres voitures sympathiques). Emplacement stratégique près des stands de restauration, d’un écran géant, de la chicane Dunlop et desservi par un petit train !
2 tours du circuit
Grâce au Club Sport Auto qui nous recevait aussi sur un parking dédié dans l’enceinte du circuit, j’ai pu obtenir un pass pour une des sessions parade des clubs du matin. J’ai déjà roulé sur le Bugatti mais là c’était l’occasion de découvrir le grand circuit des 24 Heures de 13,6 km, ouvert à la circulation sur des routes nationales en temps normal, et la fameuse ligne droite des Hunaudières.
Bon, une parade se fait derrière pace car et c’est un peu une loterie. Les voitures des participants sont regroupées par tranches de 30 minutes en pré-grille et lâchées par vagues successives. J’ai eu la chance de faire partie d’une vague relativement lente dont j’ai pu rapidement me défaire pour avoir une piste claire, mais j’ai rattrapé le groupe d’avant et la récréation a été vite terminée. Et puis la prudence était de mise, il n’y avait aucun briefing avant de partir pour les néophytes et j’allais découvrir les virages.
Voici ce que j’ai vu : https://youtu.be/ZJ3SIzs6hOM
La ligne droite de départ se termine en courbe sur un gros freinage pour aborder la chicane Dunlop avant la passerelle du même nom. Il y a souvent de l’animation ici avec ceux qui freinent au panneau trop tard et la tribune en face est pour moi le meilleur spot du circuit.
Après la passerelle, au lieu de s’engager sur le Bugatti à droite on plonge tout droit en descente dans un enchainement de grandes courbes et de longs appuis sur une portion fermée à la circulation en temps normal et bordée de larges bacs à graviers : le virage de la Chapelle et les Esses de la forêt. On est toujours sur un circuit de course.
Puis c’est le large virage du Tertre Rouge qui débouche alors sur la fameuse ligne droite des Hunaudières avec sa rangée d’arbres hauts caractéristique au début côté gauche. Le paysage change alors radicalement. On quitte un vrai circuit de course pour une route nationale étroite avec ses lignes blanches. Elle est bordée de doubles rangées de rails, de hauts grillages, de poteaux télégraphiques et d’arbres proches et je pense de suite aux voitures qui ont décollé par ici pour se retrouver dans la nature !
Les 400 chevaux de ma Maserati 4200 me propulsent rapidement à plus de 200 mais il faut déjà lever le pied car on arrive à la première chicane encombrée du groupe d’avant. Il y a des traces de pneus dans tous les sens de tous ceux qui se sont loupés pendant les courses à cet endroit heureusement bien dégagé. La suite de la visite se fait donc à allure réduite sur 2 files et si quelques coups d’accordéon permettent de relancer par endroits, impossible de trajecter et d’envoyer toute la sauce ! Certains ont eu plus de chance et j’ai vu sur un groupe WhatsApp une vidéo de Maserati MC20 qui a accroché plus de 300 🙂
Il y a une 2ème chicane dans la ligne droite avant de passer sous la bannière Qatar Airways et d’arriver au virage de Mulsanne où jadis les pilotes malheureux ensablaient leurs voitures et devaient pelleter ! Belle accélération ensuite dans une nouvelle ligne droite qui permet les hautes vitesses avant une courbe prononcée à droite qui débouche sur le gauche sec légèrement relevé de l’impressionnant virage d’Indianapolis. Ici tu peux aller taper les pneus et les rails plein face et ils ne sont pas loin !
On relance de nouveau pour un gros freinage au virage d’Arnage. On est toujours dans la forêt. On se dirige ensuite vers le long virage Porsche à droite. Le paysage s’élargit et se dégage. Les lignes blanches disparaissent et on quitte la nationale pour retrouver un environnement de circuit. S’ensuivent les « chicanes » Maison Blanche et Ford, mais en voiture de série, ce qui est une chicane pour une LMP ou une Hypercar est encore une succession de virages rapides ! Une Citroën DS devant moi se tortille désespérément et m’incite à la prudence pour la passer.
La chicane du raccordement (avec le Bugatti) est une vraie chicane et ouvre la ligne droite des stands, imposante avec ses hautes tribunes.
On a fait 2 tours (pour l’anecdote le premier en 9 minutes contre 3’15“ le record du tour …) et au 3ème passage des tribunes et de la Dunlop les commissaires de piste nous ont dirigés vers le Bugatti.
Pendant Le Mans Classic, le Bugatti sert de voie de circulation entre les clubs répartis de part et d’autre. Il y règne un spectacle permanent car il est emprunté aussi par les voitures de course qui finissent leurs manches et il sert de pré-grille où convergent les voitures de course de la manche suivante, sorties des paddocks situés un peu partout.
Dans les 6 plateaux par années, il doit y avoir 300 ou 400 voitures engagées et il est impossible de les loger dans les stands normaux. Il y a donc 6 paddocks qui constituent autant de petits « villages » de toile blanche où les voitures sont préparées et parfois ramenées à la ficelle ou en camion quand elles ont tapé. Car les courses ça ne rigole pas, ça attaque, il y a parfois des averses à un endroit du circuit et on a vu que la piste est étroite et qu’il est facile d’aller cogner dans la partie routière.
Les voitures extraordinaires
Le Mans Classic c’est aussi l’occasion de voir quelques voitures extraordinaires encore jamais vues et qui n’étaient pas à Top Marques, comme ces deux Apollo. On remarquera surtout l’Apollo EVO propulsée par un V12, avec ses 6 ailerons arrière en étoile éclairés par leds, à voir la nuit. Vraiment un vaisseau spatial venu d’une lointaine galaxie :
Les origines de cette voiture sont floues. Le constructeur est Apollo Automobil, créé en Allemagne par Roland Gumpert, ancien président de Audi Sport. Après faillites et reprises, la société serait aux mains d’investisseurs chinois…
L’autre est l’Apollo IE pour Intensa Emozione, déjà présentée il y a plusieurs années, propulsée par un V12 de 6,3 litres et 780 ch.
Voir l’Apollo EVO en mouvement :
De Tomaso
De Tomaso appartient maintenant aussi à ces mêmes chinois qui ont repris le projet P72 dévoilé à Goodwood en 2019 et qui partage d’ailleurs le même chassis carbone que l’Apollo IE. V8 à compresseur d’origine Ford du préparateur américain Roush Performance, 700 chevaux :
Delage
Ça c’est français et c’est une Delage D12 propulsée par un V12 atmo de 990 chevaux et un électrique de 110 chevaux. C’est un ancien constructeur français de prestige, disparu en 1953. La marque est relancée en 2019 par le fils de Bernard Tapie. La voiture est monoplace et s’apparente à une Formule 1 carrossée !
Howmet TX à turbine 1968
J’ai enfin pu voir rouler et entendre siffler cette voiture apparue en 1968 et qui a couru au Mans. À l’époque les ingénieurs s’intéressaient aux turbines à gaz d’hélicoptères surpuissantes pour propulser les voitures de course. Problème, elles ne donnent leur plein rendement qu’à régime constant. Lotus l’a essayé aux 500 miles d’Indianapolis où on roule à fond tout le temps et des ingénieurs se sont laissés tenter par les 24H du Mans et sa très longue ligne droite des Hunaudières sans chicane à l’époque. Le moteur sort 400 chevaux à … 57000 t/mn, oui, cinquante sept mille. Il n’y a pas de frein moteur et quand le pilote lève le pied, les gaz sont dirigés vers un troisième échappement par une soupape de décharge. Il n’y a ni boite de vitesse ni marche arrière assurée par un petit moteur électrique. Il n’y a pas de cylindrée à proprement parler et la FIA a du trouver une équivalence pour l’admettre dans les sport-protos de 3 litres. La voiture était compétitive et a même gagné des courses aux USA.
J’ai beaucoup aimé
La Ferrari 499P qui a gagné les 24H du Mans 2023, 50 après la Ferrari 250 LM présentée à coté, cette ancienne McLaren Canam des années 70s, ex Denny Hulme, ce coucher de soleil sur Facel Vega HK500 1960, et ce lever de soleil sur Ford GT40 MkII de 1966 …