Je suis fan de sport automobile depuis ado en 1966-1967, quand Ford parvenait à battre Ferrari au Mans. En Formule 1 c’étaient Jack Brabham et Denny Hulme qui étaient champions sur des Brabham V8 Repco pourtant déjà dépassées. J’en ai suivi depuis toutes les évolutions les plus folles, depuis la Chaparral à aspirateur jusqu’aux voitures à effet de sol et leurs jupes mobiles, en passant par les ailerons biplan superposés ou un par essieu, les 6 roues, les 4 roues motrices, les turbines d’hélicoptère au Mans et à Indianapolis, les freins carbone, les aides électroniques …

Dans ce diaporama, retrouvez quelques voitures originales et innovantes avant que les réglementations ne sévissent, ou que les concepts ne trouvent pas le succès escompté. Toutes les photos sont de source Wikipedia :

  • La Chaparral 2J à effet de sol par aspiration pour les courses CANAM 1970. La force de dépression procurée par un moteur auxiliaire était supérieure au poids de la voiture, de sorte qu’elle aurait pu rouler … au plafond !
  • La Cosworth 1 de 1969 à 4 roues motrices, seule F1 de ce type engagée en Grand Prix mais qui n’a jamais participé. Elle avait été conçue parce que la saison 1968 avait été particulièrement pluvieuse et parce que à l’époque les arbres de roue cassaient souvent.
  • La Lotus 56B à turbine de 1968 conçue pour les 500 miles d’Indianapolis et qu’on a vue aussi en F1. Les turbines sont plus puissantes que les moteurs à pistons qui ont été abandonnés depuis longtemps en aviation. Mais elles doivent tourner à régime constant, ce qui était possible à Indianapolis où l’on roule presque tout le temps à fond.
  • La Howmet TX à turbine de 1968 vue aux 24H du Mans (2 photos perso au Mans Classic). À l’époque il n’y avait pas de chicanes dans la ligne droite des Hunaudières et le constructeur espérait qu’elle y rattraperait le temps perdu en virages à relancer la turbine.
  • La Lotus 78 de 1977, première voiture à effet de sol avec des ailes inversées dans les flancs et jupes mobiles frottant au sol. Cette technique a été interdite car lorsque les voitures perdaient leurs jupes par usure ou sur un choc vibreur, elles perdaient l’adhérence et sortaient violemment de la route.
  • La March F1 2-4-0 à 6 roues motrices de 1977. La puissance répartie sur 4 roues permettait d’avoir des roues avec moins de trainée et une voiture plus étroite.
  • Le « Yellow tea pot » Renault RS01, première Formule 1 à moteur turbocompressé en 1977, avec un V6 1500. Elle a ouvert la voie à des moteurs turbo développant plus de 1500 chevaux en qualification, car on pouvait augmenter la puissance en augmentant la pression du turbo.
  • La Brabham BT46B à moteur Alfa-Roméo flat 12 qui a couru le GP de Suède 1978. Équipée d’un ventilateur soit-disant destiné à améliorer le refroidissement,  c’était en fait un extracteur d’air et une réponse à la Lotus 79 à effet de sol. Elle a gagné la course et a ensuite été déclarée illégale.
  • La Tyrrell P34 à 6 roues de 1976/77. Ses 4 « roulettes » directrices à l’avant devaient réduire la trainée. Elle a réalisé le doublé au GP de Suède 76.
  • La McLaren MP4/1 de 1981, première Formule 1 à chassis carbone.
  • La Lotus 88 de F1 à double chassis de 1981. La FIA ayant interdit les jupes mobiles, Lotus avait conçu cette auto à 2 chassis imbriqués, l’un avec le poste de pilotage et l’autre, extérieur, générant l’effet de sol. Elle fut contestée par les autres équipes et interdite.
  • La Brabham BT49C de 1981 à suspensions hydropneumatiques pour compenser l’interdiction des jupes mobiles.
  • La McLaren MP4/2 championne du monde 1984 avec Lauda et Prost, première Formule 1 équipée de freins à disques carbone produits par mon employeur d’alors, Messier-Bugatti, qui les avait testés sur Mirage F1 puis équipé les Mirage 2000 et Airbus A320. Cette innovation qui contribue grandement à la sécurité autant qu’à la performance est restée.

Au fur et à mesure des trouvailles des ingénieurs, la FIA les interdisait souvent dans des réglementations de plus en plus restrictives afin de limiter les performances, garantir la sécurité, limiter les budgets et préserver le spectacle.

De formation technique et aéronautique (groupe Safran), je me suis souvent demandé quel niveau de performance on atteindrait si on s’affranchissait de la réglementation, sans aucune limite de poids, de puissance et d’architecture, et qu’on reprenait certains de ces systèmes bannis. Quel constructeur oserait construire une voiture hors normes, ultime, afin d’atteindre les performances maximales sur un tour, et de combien de secondes battrait-il la meilleure Formule 1 ? Quels choix techniques ferait-il ?

Pour avoir mesuré les difficultés de pilotage d’une simple Formule Renault, conçue comme une F1, j’ai vite réalisé que les forces latérales G générées par une telle auto dépasseraient les capacités physiques des meilleurs pilotes, même entrainés comme des pilotes militaires de jets ou des cosmonautes en centrifugeuses. Pourtant le challenge reste intéressant et vaut le coup d’être tenté, car il apportera son lot d’expériences et de progrès applicables aux F1 actuelles et au delà à la voiture de tous les jours. Et puis quel prestige pour qui réussira !


Sébastien LamourSébastien Lamour, rencontré à l’Essence de l’Automobile, s’est posé les mêmes questions et a décidé de relever le défi.

« En tant qu’ingénieur en compétition automobile, une question m’a toujours obnubilé depuis que j’ai commencé ma carrière. Quelles seraient les performances, à quoi ressemblerait une voiture de course spécialement conçue pour les circuits si le règlement technique était entièrement libre de toutes contraintes, à l’exception de conserver tous les dispositifs de sécurité actuels (halo, monocoques renforcées et homologuées, installation du réservoir d’essence, etc…), avec pour objectif évident de réaliser les temps au tour les plus rapides jamais vus sur les circuits de course automobile contemporains ? »

Ingénieur de formation, aujourd’hui consultant, il justifie d’une très longue expérience d’acquisition de données, d’exploitation et de conception de voitures de course, acquise chez Welter Racing, Pescarolo Sport, Lotus, Nissan, Peugeot, Sauber, Toyota, Alfa-Roméo, en Sport Prototypes, Formule 1 et même à Pikes Peak.

Et voici le résultat de ses études en images. Vous trouverez sa réflexion sur son site, comment il est arrivé à un compromis entre puissance, poids et forces aérodynamiques, comment il a choisi entre moteur thermique turbocompressé et turbine d’hélicoptère,  comment il conjugue aspiration et effet de sol, et comment il pense faire résister les pilotes grâce aux combinaisons anti G utilisées dans les courses d’avions, plus légères que celles des pilotes militaires. Imaginez en effet les G qu’ils prennent dans ces manœuvres, à ceci près toutefois qu’ils ne semblent pas prendre beaucoup de G latéraux qui  vous tordent le cou et vous arrachent la tête, vous plaquent les bras et les jambes contre les parois :


Le projet PINACLE en images

D’après Sébastien et les simulations réalisées sur ordinateur, la voiture gagnerait plus de 10 secondes au tour par rapport à une Formule 1 moderne, sur un circuit comme celui de Barcelone-Catalogne, avec des accélérations latérales de 7G.

Circuit de Catalogne, source wikipedia

En savoir + sur le projet PINACLE


Qui va le réaliser ?

J’aimerais tant que Ferrari s’y colle. Ils en ont les moyens techniques de conception et d’essais, sont habitués à concevoir des voitures à la demande de riches clients et nul doute que l’un ou plusieurs d’entre eux pourraient en assurer le financement. Idem pour McLaren ou Bugatti.

Et si un magnat de la presse ou une fondation créait un prix pour récompenser le meilleur et encourager le progrès, comme jadis dans les débuts de l’aviation ?

En attendant, continuons de rêver …

La voiture de course ultime, j’en ai rêvé, lui aussi et il l’a conçue, reste à la réaliser