Mai 2022, le calendrier s’y prête, me voici dans le sud pour plus de 2 semaines de villégiature au soleil à l’occasion des Grand Prix de Monaco, historique et Formule 1 15 jours plus tard, entrecoupés par le Rallye d’Antibes et autres surprises. Une belle occasion de conjuguer dolce vita et passion automobile.

Pour descendre et profiter de la région, j’ai choisi mon Boxster 2001 dont la livrée verte surprend toujours et dont le feulement du flat 6 me régalera dans la montée à la Turbie et l’arrière pays montagneux, tout en restant discret au pays des Ferrari, Maserati, Rolls, Bentley et Porsche exagérément body-buildées.

Grand Prix de Monaco historique

Je retrouve avec plaisir mes marques à Monaco. J’ai l’habitude de me garer au parking du centre commercial de Fontvieille facilement accessible et de là on peut rejoindre le circuit en quelques escalators et quelques minutes de marche. L’Automobile Club de Monaco m’envoie des mails d’info et j’apprends que tout titulaire d’un billet tribunes peut accéder au paddock, sur les quais du port principal. Donc je m’y rends le vendredi pour la journée.


Vendredi : paddock

C’est un vaste alignement d’espaces couverts sous toile pour chaque équipe, classée selon la série où elle va concourir. Aujourd’hui l’ambiance est relaxe avec des essais libres et des personnalités se succèdent au paddock, le Prince bien sûr et divers autres mais je ne reconnais personne, aveuglé par les voitures dont beaucoup ont les tripes à l’air capots enlevés. Sur les carrosseries je lis les noms des pilotes qui ont bercé mon adolescence dans les années 70, certains célèbres, d’autres disparus tragiquement : Niki Lauda, Jo Bonnier,  Graham Hill, Carlos Reuteman, Jacky Ickx, JP Beltoise, JP Jarier, Jack Brabham, Ronnie Peterson, Denny Hulme, David Purley, Pedro Rodriguez, James Hunt, Emerson Fittipaldi, Jacky Oliver, Chris Amon, John Surtees, Mike Hailwood, Piers Courage, Rolf Stommelen, Stirling Moss, Alan Jones, Dan Gurney, Gunnar Nilsson, Jochen Mass, Tim Schenken…

En Formule 1 des années 70-80, des grands noms, Ferrari, Lotus, Williams, McLaren, en côtoient d’autres aujourd’hui disparues comme Brabham, Cooper, BRM, Matra, March et Tyrrell, et d’autres noms encore d’écuries éphémères qui remplissaient les fonds de grilles en utilisant le fameux V8 Cosworth : Hesketh (un lord anglais, 1 victoire), Shadow (1 victoire), Arrows, Surtees (ancien champion du monde moto 500 et F1), Copersucar (créée par Wilson Fittipaldi, frère du champion du monde), Ensign (créée par l’ancien pilote Mo Nunn), Theodore (un milliardaire de Hong-Kong), LEC (3 GP seulement en 1977), Embassy Hill (toute l’équipe de Graham Hill avait disparu dans un accident d’avion), De Tomaso (11 courses en 1970) et Eifelland (un chassis de March recarrossé sponsorisé par un fabricant de… caravanes)…

Le monde de la F1 historique est particulier. Beaucoup de pilotes sont de richissimes propriétaires d’âge mûr qui ont racheté ces autos à une époque où elles étaient déclassées, les ont restaurées, et ont appris à dompter ces machines surpuissantes et bien plus dangereuses que les F1 carbone actuelles. Parmi eux se glissent parfois des pilotes professionnels qu’on reconnaît à leur physique de sportif : le mexicain Esteban Gutiérrez cette année, ancien pilote F1 Sauber et Haas, ou l’allemand Marco Werner, triple vainqueur des 24h du Mans sur Audi. Les années 70s c’était l’époque du moteur V8 Cosworth accessible à tous et facile à démarrer. Seuls Ferrari, Matra et BRM produisaient leurs propres moteurs.  Aujourd’hui on ne peut plus démarrer une F1 sans 10 mécanos et autant d’ingénieurs derrière leurs consoles et selon des protocoles complexes, tandis que là, une paire de mécanos permet de tout gérer.

Dans les autres catégories de voitures plus anciennes, on trouve beaucoup de papys fortunés ayant gardé un bon coup de volant et qui évoluent sur des autos qui ont du les faire rêver plus jeunes.

La série C des voitures de sport biplaces à moteur avant de 1952 à 1957 :

Les voitures de Grand Prix avant-guerre, Formule 1 à moteur avant et F1 des sixties à moteur arrière :

Sortie du paddock voitures de Grand Prix avant-guerre :

Vidéo (short YouTube)

Sortie du paddock série B des F1 1500 à moteur arrière 1961-1965 :

Dans le paddock les voitures partant en essais libres s’alignent par séries derrière un grand portail qui leur ouvre la piste. C’est l’occasion de les voir en ordre de marche pilote à bord et de les entendre et je fais plusieurs vidéos à leur sortie, réglée par un commissaire qui doit être haut gradé dans la hiérarchie de l’ACM : il a deux badges, un sifflet et une autorité naturelle ! Des pompiers sont là aussi, prêts à intervenir en cas de départ de feu. Il y a des commissaires techniques qui vérifient la conformité des voitures. L’un deux à un niveau à bulle pour vérifier que la tête du pilote est plus basse que l’arceau de sécurité. Entre les sessions, des invités sont conduits pour un tour de circuit dans des voitures de collection comme la Daytona spyder jaune.

À midi je sors de l’enceinte pour déjeuner sur la place proche d’un petit marché aux fleurs et légumes, sous des arcades. À Monaco, le service est poli et chaleureux, l’ambiance est sûre, propre et tranquille si vous suivez les consignes du nombreux personnel de police et de circulation. Avant d’y retourner l’après-midi, je m’attarde au bout de la vaste digue de l’avant-port Hercule, en partie protégée du soleil par de hauts auvents, face à la Méditerranée d’un côté, et face à Monaco et la montagne derrière de l’autre côté. Il n’y a personne et le contraste est saisissant avec l’agitation qui règne à quelques centaines de mètres. Monaco sait ainsi alterner en plusieurs endroits zones de fourmillement frénétique et zones de calme absolu. J’admire un superbe et long yacht blanc immaculé, taille paquebot, au mouillage dans le port dont l’entrée est gardée par un gars en jetski.

Puis j’arpente à nouveau les stands, observant les mécaniques ouvertes, comptant les cylindres et les arbres à cames des unes et des autres. Je reconnais bien sûr beaucoup de Formule 1 qui illustraient les Sport-Auto de ma jeunesse, mais je m’attarde aussi sur ces voitures de sport biplaces de mon année de naissance aux carrosseries rutilantes et sur ces monoplaces des années 60 dépourvues de tout appendice aéro et dont sont inspirées les monoplaces que j’ai conduites à la Classic Racing School ou à la Vaillante Académie. Mêmes habitacles tubulaires étroits, mêmes tableaux de bord aux instruments cerclés de chrome, mêmes fragiles verrières, mêmes suspensions triangulées et combinés ressorts-amortisseurs, mêmes pneus étroits, mêmes volants trois branches, mêmes leviers de vitesse courts dans un recoin.

Les Formule 1 de 1970 à 1985 : la majorité sont équipées du V8 Ford Cosworth mais on a quelques beaux V12 Ferrari, Matra et BRM. On voit apparaître les premiers ailerons, jusqu’aux voitures à effet de sol dans les pontons latéraux :

Les séries se succèdent et certaines voitures reviennent à la ficelle ou en camion un peu froissées. Le circuit de Monaco est impitoyable et ne pardonne aucune erreur. Ici, si t’as pas un nez et un train avant de rechange tu risque de gâcher ton week-end dès les premiers essais.

Je quitte le circuit, récupère et décapote mon Boxster et je décide de monter à La Turbie, magnifique course de côte avec 3 épingles à cheveux et de beaux enchainements et qui s’élève au dessus de la Méditerranée. C’est dans une des épingles que s’est tuée la Princesse Grâce de Monaco en descendant. L’endroit est prisé des carspotters locaux qui viennent parfois y drifter mais aujourd’hui il n’y a personne et je peux pousser le feulement du 6 cylindres. En haut je bifurque vers la Tête de Chien, un promontoire qui surplombe Monaco de 550 mètres presque à la verticale. Ils sont en train de faire des travaux et l’endroit sera bientôt inaccessible au public en voiture. La vue magnifique embrasse tout Monaco et la côte alentour jusqu’en Italie. J’entends monter le bruit des monoplaces de la dernière série d’essais et je les aperçois dans la montée du Casino ou à la sortie du tunnel.

Monaco vu de la Tête de Chien (vidéo short YouTube)

Au centre on aperçoit la montée du Casino et la sortie du tunnel le long du port Hercule. A droite du port on voit les tentes blanches du paddock le long des bâtiments avant la jetée. À droite le rocher, le vieux Monaco et le palais princier. À l’extrême droite Fontvieille et son port gagnés sur la mer. À gauche avant la presqu’île le petit carré blanc est la Vigie, ancienne résidence de Karl Lagerfeld. On distingue encore mal le nouveau quartier en construction gagné sur la mer, entre le Larvotto et le Casino.


Samedi : la vente Sotheby’s

Je décide de me reposer les oreilles le matin et d’aller l’après-midi au Grimaldi Forum où la maison Sotheby’s organise une grosse vente aux enchères de voitures de collection.

Le Grand Prix historique ne congestionne pas Monaco et en dépit du circuit fermé, Waze me trouve sans problème un chemin dans le dédale monégasque pour me rendre au Grimaldi Forum, vaste lieu d’expositions et de manifestations diverses à Monaco.

Les parkings ne manquent pas à Monaco et sont moins chers qu’à Paris en dépit des prix délirants de l’immobilier ici (quasiment un 0 de plus, oui vous lisez bien le prix de ce parking à droite : 680 000 € !). J’en trouve un assez exceptionnel : c’est une route à double sens qui le dessert au centre d’un immeuble, avec lignes droites et virages à 180 degrés sur 6 ou 7 niveaux. On pourrait y organiser une course de côte ! Aux premiers niveaux la « route » est bordée de chaque côté de boxes individuels dont beaucoup restent ouverts, même voiture dedans. C’est d’une propreté absolue comme l’attestent mes pneus qui chouinent sur un sol ciré et les places sont assez larges pour ouvrir grand sa porte.

A l’extérieur, je trouve un système de passerelles piétonnes et d’escaliers pour gagner le Grimaldi Forum au milieu des immeubles et des rues en pente. Il y a aussi des ascenseurs publics disséminés un peu partout.

Dans le forum je gagne la salle d’exposition principale, libre d’accès, contrairement à bon nombre de ventes aux enchères parisiennes où il faut acquitter une entrée ou acheter le catalogue. Le catalogue est en ligne et promet, je ne suis pas déçu en pénétrant dans l’immense salle.

Devant moi s’étalent les plus beaux exemplaires de voitures de collection historiques, jugez en sur les photos.

Ferrari et Lamborghini sont les plus représentées avec leurs modèles mythiques, mais on trouvait Maserati, Porsche, Mercedes, Jaguar…

Pour Ferrari : Daytona spyder 1973 (adjugée 2 592 500 €), 275 GTB 1965 (adjugée 2 030 000 €), 512 Testa Rossa, 360 Challenge, 275 GTS, 550 Barchetta, 365GT 2+2 et GT4, 340MM spider de 1953, Dino 246 GTS, 430 Scuderia spyder, Superamerica, 328 GTS, 250 GTE, 330 GT, 456 GT, une barquette de course d’endurance prototype, et clou de la vente une 640 F1 ex Nigel Mansell.

Côté Lambo on trouvait Miura SV 1971 (adjugée 2 480 000 €) et Countach 1990 absolument sublimes, Gallardo, Diablo et 400GT.

Rayon curiosité, je découvre cette étonnante et rare Isdera spyder 036i à moteur Mercedes AMG 3,6 l de 1989, une production artisanale et confidentielle allemande que je ne connaissais pas.

Parmi les raretés il y avait une Iso Griffo de 1965, un prototype LaFerrari 2012 tout carbone et dans son jus, ayant servi aux essais avec ses différentes trappes d’accès et trous dans la carrosserie, une sublime Lancia Aurélia B24 spider America de 1955 et une Ford GT Carbon de 2020, impressionnante évocation moderne de la GT40, première fois que j’en voyais une.

Côté course, outre la Ferrari 640 F1 de 1989 (2 victoires, adjugée 3 605 000 €), on trouvait une Williams FW14 de 1991 elle aussi ex Nigel Mansell (5 victoires avec cette voiture, adjugée 4 055 000 €), une Jaguar XJR-9 qui a gagné les 24H de Daytona 1990, une très belle Alfa-Romeo Tipo 33 de 1969 qui a tourné dans le film Le Mans, une Scarab F1 de 1960 qui aurait pu courir ce week-end. On pouvait même s’acheter pas trop cher un morceau d’histoire du sport automobile avec une Lotus 22 de Formule Junior 1962 adjugée 46 000 €. Cette Tecno Formule 3 de 1967 ex Jean-Pierre Jaussaud à moteur Novamotor a fait bien plus que son estimation avec 132 250 €. « Jaussaud ça recommence ! » titrait Sport-Auto à l’époque.

Il y avait aussi quelques incongruités comme un gros et laid Lamborghini LM002 tout-terrain taillé pour un émir du golfe, une élégante Delahaye 1947 esseulée ici et une Rolls égarée (51 750 € seulement pour une Silver Cloud de 1957), ou cette affreuse Renault 5 Turbo Groupe 4 de 1980 aux couleurs Calberson criardes. Je suis toujours étonné des prix que font ces anciennes voitures de rallye, 443 750 € pour celle-ci !

Les autres voitures intéressantes :

Enfin on pouvait s’acheter un museau déchiré et cabossé de Lotus Climax que Jim Clark avait abimé au Grand Prix de Monaco 1967 : adjugé 22 800 € !

La vente comprenait aussi un lot de montres Rolex homme, des sacs à main Hermès et des bijoux pour occuper les riches femmes d’enchérisseurs.

Les prix des voitures ? Beaucoup d’estimations dépassaient le ou plusieurs millions d’euros et ont été confirmées ou dépassées mais il y avait quelques opportunités comme cette Ferrari 365 GT4 2+2 de 1976 adjugée 69 000 € ou une Porsche 928 de 1977 à 59 800 €.

Je traîne là longtemps pendant que la vente aux enchères se prépare : les enchérisseurs arrivent, le cameraman ajuste sa caméra au bout d’une longue perche télescopique, les commissaires de la vente règlent les derniers détails. Sur des écrans géants Emmanuelle Pirro fonce dans le raidillon de l’eau rouge à Spa en proto Ferrari en caméra embarquée. Ce doit être celle qui est à vendre que je n’ai pu identifier. On me sert du champagne. Je trouve un canapé confortable pour m’assoir et une charmante hôtesse vient y déposer de luxueux catalogues de Canossa, une entreprise italienne spécialiste de l’événementiel automobile très très haut de gamme. Sur la terrasse ensoleillée des commissaires du Grand Prix regardent la retransmission des essais chronos sur un écran géant. Derrière une palissade peinte ciel et mer, la vue qu’on ne verra plus d’ici, on voit pointer une forêt de grues et les premiers étages des immeubles de front de mer en cours de construction sur un nouveau quartier gagné sur la mer. Ils ont coulé d’immenses caissons de béton pour former une digue au large puis vidé l’eau au milieu et rempli de remblai. Un chantier titanesque dont je suis l’évolution au fil des ans.

Canossa

Je quitte à regret cette ambiance hors du temps et m’attarde un peu sur l’avenue Princesse Grâce à côté du jardin japonais, où sont concentrées les plus belles vitrines des concessionnaires Ferrari, Rolls, McLaren et Mercedes. C’est un lieu prisé des carspotters mais aujourd’hui il n’y a personne cause Grand Prix.


Dimanche : les courses

Je suis levé à 6h et prends rapidement la route de Monaco via la moyenne corniche et le somptueux village d’Eze pour me garer à Fontvieille, désert. Dans Monaco je trouve une boulangerie salon ouverte pour prendre mon petit déjeuner. Au comptoir défilent un tas de commissaires du Grand Prix, chacun dans leur uniforme distinctif fourni par l’organisation. Ils sont tous bénévoles, suivent une formation spécifique, et sont pour beaucoup dans le succès de l’organisation et la sécurité des pilotes et du public, rigoureuse et impeccable,

La première course est à 8h30 et j’ai un billet pour la tribune K1 face à la sortie du tunnel et sa chicane, en plein dans un virage où il est possible de doubler. On voit ensuite l’enchainement de la piscine. En haut de la tribune on a vue sur le premier virage après le départ, à l’église de Sainte Dévote. Un virage qui ne pardonne aucune erreur ! Ou tu le prends en sortant au ras des rails pour aborder la montée du Casino, ou tu sors dans la large échappatoire, tu n’as qu’une fraction de seconde pour choisir, ou tu tapes plein face ! Les commissaires de piste t’attendent avec une grue pour évacuer les malchanceux et il y en a toujours quelques uns ! Pour moi c’est le meilleur spot du circuit. Et des écrans géants retransmettent le reste du parcours avec des replays. Lors des départs, les moteurs hurlent et leur bruit rebondit contre les façades d’immeubles, tu entends l’enfer arriver avant de voir les premières voitures se jeter dans le goulet.

Au début à l’ouverture on est 3 sur l’immense tribune tandis qu’on entend rugir les premiers moteurs au paddock. Monaco prend vie ! Mais la tribune se remplit au fil des heures et après 3 courses je dois céder mon emplacement pour ma place numérotée située plus bas près de la piste.

La première course est pour la série B des F1 1500 à moteur arrière 1961-1965. Il y a beaucoup de Lotus, Brabham, Lola et Cooper (c’est John Cooper qui a imposé le concept du moteur arrière) mais une sublime Ferrari V12 ex John Surtees et Lorenzo Bandini a fait la pôle. Elle part en tête mais une petite Lotus la suit de près au fil des tours. Elle tente sa chance à Sainte Dévote et passe, tassant la Ferrari in extremis le long du rail ! Mais au tour suivant à Saint Dévote son pilote galvanisé est trop optimiste et il la met dans les TecPro dans un grand pouac ! Aussitôt les commissaires interviennent et elle est prestement grutée à l’abri roue avant gauche arrachée devant son pilote dépité. La Ferrari gagne.

Départ, premier virage à Sainte Dévote :

Premier tour :

La série A1 suit avec des voitures d’avant guerre. Elle est dominée comme d’habitude par les anglaises ERA, plus puissantes et avec de plus gros pneus que les frêles Bugatti et autres voitures plus improbables (Riley, Frazer-Nash, MG) ! Il y a aussi 2 Fiat écurie Ferrari de l’époque. Les 2 ERA partent en tête et dominent mais la course a ses aléas. Celle de tête s’accroche sous mes yeux avec une attardée à Sainte Dévote et doit s’arrêter roue crevée. C’est la deuxième qui gagne.

Dans la série A2 des voitures de Grand Prix à moteur avant d’avant 1961, sortes de gros suppositoires sur 4 roues, il y a une majorité de Maserati 250F, des Cooper-Bristol, Connaught, Gordini, Talbot-Lago mais il y a une Ferrari en pôle position, conduite par une femme ! Elle gagne la course !

Avec la série D des Formule 1 3 litres de 1966 à 1972, les choses plus que sérieuses commencent ! Une Matra MS120 part en tête dans le miaulement de son V12 mais elle a volé le départ et sera pénalisée ! De toute façon elle est doublée. C’est une McLaren en livrée Yardley ex Denny Hulme qui l’emporte devant une Surtees Cosworth bien meilleure qu’à l’époque où elle faisait les fonds de grilles. La Matra est 3ème. 2 Ferrari ont fait de la figuration, dont celle jadis victorieuse avec Jacky Ickx qu’on va revoir à la pause. Tous les pilotes n’ont pas le talent à hauteur de leur monture !

On monte en gamme avec la série E des Formule 1 3 litres de 1973 à 1976. C’est une McLaren 73 ex Jody Scheckter qui l’emporte devant une Lotus 76 noire et or ex Ronnie Peterson et conduite par le triple vainqueur du Mans Marco Werner. Dans cette série il y avait l’étonnante Eifelland ex Rolf Stommelen à la carrosserie originale et futuriste sur un chassis March à moteur Cosworth, qui avait fait quelques courses sans succès à l’époque avant que son sponsor ne retire ses billes. La voilà qui se prend violemment le rail devant moi, arrachant tout son côté droit et provoquant un Full Course Yellow, la course se terminant sous drapeau rouge. C’est l’occasion de voir à nouveau les très efficaces commissaires de piste à l’oeuvre car il y a du boulot ! On ramasse les morceaux éparpillés sur une centaine de mètres, on brosse la piste, on étale du ciment poudre, on rafistole le rail de sécurité, on règle la circulation des autres monoplaces et on grute la monoplace blessée sur un camion. Le pilote est indemne.

A la pause déjeuner Charles Leclerc, natif monégasque actuel pilote F1 Ferrari et Jacky Ickx, pilote Ferrari des années 70 tournent sur le circuit. Jacky retrouve la Ferrari 312B2 qu’il avait conduit 2ème au GP de Monaco 1971 avant de gagner les GP de Hollande et d’Allemagne. Charles s’est vu confier la mythique Ferrari 312B3 de 1974 de Niki Lauda (2 victoires) et Clay Regazzoni (1 victoire). Hélas, j’entends une clameur dans le public et regarde l’écran géant : Charles l’a mise dans le rail au virage de la Rascasse ! Il aurait perdu les freins ! S’est-il mélangé les pédales ? On freine du pied gauche en F1 moderne à boîte robotisée et embrayage automatique et Charles joue parfois des 2 pédales en même temps pour équilibrer sa voiture. Les anciennes F1 ont un pédalier classique et une grille de changement de vitesses. Je trouve quand même l’affaire piteuse et elle semble confirmer sa scoumoune à Monaco où toutes ses participations se sont mal terminées ! Le chat noir l’épargnera-t-il dans 15 jours ?

La pause déjeuner c’est aussi l’occasion de voir ce qui se passe en face dans le port où les yachts sont alignés comme à la parade. Depuis qu’une Formule 1 a fini dans l’eau du port dans les années 60, ceux situés après la chicane sont reculés et inaccessibles du quai. Des semi-rigides patrouillent au cas où un pilote renouvellerait l’expérience, ce qui parait hautement improbable car la voiture devrait dorénavant sauter par dessus de hauts grillages. Mais on ne sait jamais, l’ACM ne badine pas avec la sécurité.

Comme pour les appartements donnant sur le circuit, certains propriétaires de yachts les louent le week-end à des sociétés d’événementiels qui les relouent à des sponsors ou à la place à de riches privilégiés qui peuvent s’y payer la journée. C’est la cas de celui de droite où les clients affluent par bateau taxi. Il y a un buffet, un bar, une provision de chapeaux de paille, de la musique et du personnel …

Dans celui de gauche, très classe avec sa cheminée ancienne, c’est le luxe absolu. Ils ne sont que trois et une serveuse les ravitaille en permanence. Celui du milieu doit être occupé par une des écuries concurrentes de pointe car j’y verrai apparaitre dans l’après-midi 2 coupes de vainqueur sur la table du salon extérieur, probablement celles de Michael Lyons, un anglais qui a gagné 2 courses aujourd’hui.

Les yachts c’est plutôt pour être vu car de leur place ils ne voient qu’un tout petit bout de piste devant eux, tournent le dos à l’écran géant et doivent en prendre plein les oreilles.

Après la pause on revient un peu en arrière dans le temps avec la série C des voitures de sport biplaces à moteur avant de 1952 à 1957 qui ont couru une fois le Grand Prix. On trouve quantité de très belles Maserati A6GCS et Aston-Martin, des Jaguar C et D, Lotus 10, Connaught ou Frazer-Nash Le Mans mais 2 Ferrari seulement, une 225S fermée et une Mondial spider dans une livrée bizarre. Je pense que les Ferrari de sport de cette époque sont devenues tellement rares, chères et précieuses que leurs propriétaires préfèrent les sortir sur les pelouses soignées des concours d’élégance que les risquer entre les rails de Monaco ! C’est une Cooper-Jaguar de 1955 qui l’emporte devant les Maserati. Dans le virage devant moi, certaines passent dans de superbes dérives des 4 roues, ce qui est d’autant plus impressionnant que vu de la piste tu ne vois pas la sortie du virage. Le premier tour :

Puis on monte à nouveau en gamme avec la série F des Formule 1 3 litres de 1977 à 1980. C’est une Hesketh Cosworth peinte aux couleurs du magazine Penthouse qui l’emporte, une voiture qui n’avait rien gagné à l’époque, comme quoi ici c’est vraiment le pilotage qui fait la différence.

On termine avec la série G des Formule 1 3 litres de 1981 à 1985, les fameuses voitures à effet de sol : l’air était canalisé dans des pontons latéraux au profil intérieur d’aile d’avion inversée pour plaquer les voitures au sol. Des jupes coulissantes en kevlar frottaient au sol et renforçaient l’étanchéité du système. Ces voitures étaient dangereuses car si les jupes s’endommageaient, le pilote perdait l’aspiration du sol et risquait la sortie de piste à grande vitesse et elles furent interdites ! D’ailleurs ici les voitures n’ont pas leurs jupes. Ce sont 3 Lotus noires et or aux couleurs d’un cigarettier qui ont terminé aux 3 premières places, un bel hommage à leur créateur disparu Colin Chapman qui était à l’honneur. Premier tour :

A Monaco le public est connaisseur et applaudit chaleureusement les pilotes qui repassent au ralenti tête nue en tour d’honneur.

Voilà, le Grand Prix historique c’était plein les yeux plein les oreilles et je repars comblé.

La suite : rallye d’Antibes, Tour de Côte d’Azur, GP de Formule 1

 

Une quinzaine à Monaco