Nous sommes en Saône et Loire profonde (71), au cœur de la Bresse Bourguignonne. Devant une boulangerie, à la recherche du journal local (le JSL), j’aperçois cette affiche. Y a stock cars à Ratte dimanche 17 août !
J’ai justement vu il y a peu le film Vingt Dieux, où un jeune de la région qui vient de perdre son père se met en tête de gagner un concours de fabrication de Comté, le fromage local. Il a un ami qui court en stock car et j’ai découvert par quelques scènes ces courses très locales où on s’applique à finir de démolir de vieilles voitures sur un anneau en terre de 200 mètres. Celui qui gagne ne semble pas être le plus rapide mais celui qui fait le plus de tonneaux ! L’occasion est belle d’en savoir plus et de découvrir les Joe Logano et Kyle Busch locaux, moi qui ai assisté à deux reprises à la plus grande course de stock cars du monde, les 500 miles de Daytona !
Me voici donc à Ratte, « commune rurale à habitat dispersé » de 3 ou 400 habitants près de Louhans.
La veille, j’ai pris contact via facebook avec Élodie, filleule du Vice-Président du club SCC de la Bresse, et qui a initié l’événement. Elle m’a conseillé de venir le matin si je veux rencontrer du monde pour des interviews avant les courses l’après-midi où le paddock sera fermé.
Le circuit de stock cars de Ratte est permanent et fort bien aménagé, avec des infrastructures pour la restauration, la buvette et la Direction de course. C’est un anneau de terre battue d’environ 200 mètres avec 2 virages, bordé d’un talus intérieur où se postent les commissaires de piste, et d’un talus extérieur. Au cas où une voiture franchirait ce talus accélérateur coincé, un anneau de terre labouré profond entoure le tout et peut arrêter toute voiture folle avant d’atteindre le public, très discipliné et qui prend place tout autour derrière des barrières. Il fait chaud et certains se sont installés avec chaises, parasols ou barnums mais heureusement on trouve encore un peu d’ombre sous des arbres.
Élodie m’accueille à l’entrée où on me remet un luxueux programme, car l’événement est très soutenu par les commerces et entreprises de la région et par la jeune Maire de Ratte, dont je vous publie l’édito, tant ça fait plaisir de voir un élu soutenir une telle organisation !
Élodie me présente Hervé Calard, le Président du club, et Arnaud Bonin le vice-président.
Arnaud m’entraine au parc coureurs où il me confie à son épouse Laure, ancienne pilote, occupée à pointer les concurrents, pour une première interview :
Pendant ce temps, Arnaud me trouve 2 pilotes du club pour deux autres interviews.
C’est d’abord Maeva, une jolie blonde de 23 ans, qui se prête au jeu et elle est déjà une pilote de stock car expérimentée :
Guillaume, 23 ans, se présente ensuite, et c’est justement sa première course !
La voiture de Guillaume, joliment préparée aussi avec un moteur Peugeot 2 litres 16 soupapes de 135 chevaux :
J’assiste ensuite au briefing des pilotes, avec le rappel des drapeaux, de la discipline et des consignes de sécurité. Il y a pas moins de 90 pilotes engagés de 15 clubs différents venus d’Alsace ou du Lubéron pour les plus lointains. Avec les mécanos et les familles d’accompagnateurs, ça fait déjà du monde !
Un aperçu des clubs présents :
Puis je parcours le paddock pour voir de près ces autos particulières. Beaucoup sont des Renault 5 ou Clio ou Peugeot 206 ou 306 ou autres voitures à traction avant et comme on l’a vu avec Laure, la préparation consiste à déshabiller complètement la voiture pour ne conserver qu’un baquet conducteur. On pose un arceau cage et un harnais. Le réservoir à carburant est remplacé par un jerrican recouvert d’un pare flamme au centre de la voiture derrière le pilote. Le radiateur avant est remplacé par un très gros radiateur lui aussi placé au centre. Il n’y a plus de vitres, un grillage tient lieu de pare brise devant le pilote. Certains font des petites prépas moteur, d’autres rien ou se contentent de poser un rupteur, vous les entendrez durant les courses !
Une voiture qui fait la « course au tonneau » ne dure pas très longtemps, mais d’autres arrivent à enchainer plusieurs jours de course avec la même voiture.
Cette petite Citroën C1 était comme neuve !
Tout le garnissage susceptible de prendre feu et tout ce qui pourrait blesser est enlevé. Les portes sont soudées et renforcées par des plaques de blindage sur les côtés, comme en Nascar (sauf que en Nascar elles sont cachées par la carrosserie sur des autos construites en tubes et qui ne reprennent que la forme générale d’une voiture de série). Enfin, de robustes ferrures sont soudées à l’avant et à l’arrière de la voiture, donnant à certaines un aspect très Mad Max. Les pneus avant sont renforcés sur les côtés afin d’éviter les crevaisons tandis que sur les roues arrière non motrices, on voit parfois des montages simplistes !
Afin de parer à toute éventualité, chacun emmène un lot de pièces de rechange de récupération :
Et ça mécanique dur au paddock :
Pas mal de filles parmi les pilotes, mais une fois casquées, elles sont comme les autres :
À Daytona c’est une patrouille de F16 qui vient marquer le départ avec le fameux « drivers, start your engines » et l’hymne national avec 300 000 personnes debout la main sur le cœur. Ici c’est un ULM qui vient faire le spectacle !
À midi je déjeune sous un barnum où je rencontre des bénévoles de l’organisation et d’autres membres du club. Pour un public pas forcément fortuné ils ont concocté des plats et des menus très bon marché et le café est offert en libre service. Ici il y a vraiment de quoi passer une très bonne journée en famille ou entre amis pour de petits budgets, d’autant que le soir il y a paëlla géante et feu d’artifice !
Les courses !
Avant la première manche et plusieurs fois dans l’après-midi ils passent une tonne à eau sur la piste pour éviter trop de poussière, mais sans la transformer en bourbier. Je suis étonné de voir que certains arrivent à drifter en virage avec des tractions avant.
Les courses débutent vers 13h 30 et il y a je ne sais combien de manches de prévues car chaque plateau fait environ 20 voitures. Il y a une petite cérémonie pour les débutants dont c’est la première course. Ils ont amené leur voiture et montent sur le toit avec une grosse couche culotte car ils sont considérés comme des bébés. J’aperçois Guillaume sur sa 922 en couche culotte qu’il accrochera ensuite à l’arrière de sa voiture.
Je demande à une spectatrice qui a l’air bien au courant comment sont constituées les grilles de départ. Chacun se met où il veut ! Il y a ceux qui préfèrent partir devant, s’exposant aux coups tordus venus de l’arrière, et ceux qui préfèrent partir derrière, et tous ceux qui s’en fichent et se mettent là où ils peuvent. Tout à l’arrière un peu à l’écart il y a ceux qui « font la course au tonneau ».
Car aujourd’hui comme l’a expliqué Laure, c’est une course aux points. Je ne connais pas le barème mais il semble qu’un tonneau rapporte 2 fois plus de points qu’un tour de circuit.
Les manches durent environ 3’30 alors tu choisis, ou tu essaies de faire le maximum de tours en passant à travers les embuches ou tu fais des tonneaux, ou tu combines. C’est facile, au virage tu mets les 2 roues gauche sur le talus et hop ! Et tu essaies d’avoir assez d’élan pour retomber sur tes roues et continuer. Car le quart ou le demi tonneau rapporte moins et pour le coup t’es scotché sur place ! Provoquer les sorties de piste ou les tête à queue des autres rapporte des points aussi.
Mention spéciale aux courageux commissaires de piste qui n’hésitent pas à descendre au milieu des autos pour orienter et réguler le trafic avec leurs drapeaux jaunes quand des autos se retournent ou se plantent dans les talus. De vrais voltigeurs !
Entre chaque manche, des tracteurs viennent sur la piste pousser les autos en panne mais encore en état de rouler ou enfourcher les épaves pour les ramener au paddock.
Les manches se succèdent avec de moins en moins de voitures en état de rouler, ils regroupent, et le vainqueur est celui qui a marqué le plus de points.
Je ne suis pas resté jusqu’au bout par obligations familiales mais je vous ai filmé des manches. Voici la première de la coupe Renault 5 :
Dans celle-ci, suivez Maeva sur la voiture 906, qui a réussi à passer au travers des ennuis et a fini sa manche, qualifiée pour la suite :
Et ici, suivez Guillaume sur la 922 qui s’en est très bien sorti et a préservé lui aussi sa jolie voiture pour sa toute première manche :
Voilà, le stock car en Bresse c’est çà ! Beaucoup de convivialité, de partage et d’entraide, on ne se prend pas la tête, je n’ai pas rencontré de kéké et personne ne se prend pour Kyle Busch ! Merci aux organisateurs pour leur accueil et de continuer d’œuvrer pour maintenir ces traditions car à Ratte, j’ai retrouvé la France que j’aime.
Je me demande ce que ça donnerait avec une Porsche Dakar … Avec ses accélérations elle ne craindrait rien de l’arrière et avec un bon pare-buffle et 400 chevaux elle défoncerait tout devant ! Mais je crois que cette débauche de moyens serait mal perçue ici où règnent la simplicité et l’égalité des chances !
Bande annonce du film Vingt Dieux :
La Maison Chaussin
Durant mon séjour en Bresse, j’ai logé à la Maison Chaussin, un havre de paix et de sérénité tenu par Birgitta et Claudio. Je voulais le mentionner ici tellement nous y avons été bien accueillis.